Déclaration mondiale

Déclaration Mondiale sur le Travail Associé Coopératif

Approuvée par l’Assemblée Générale de l’ACI à Cartagena, Colombie, le 23 septembre 2005, cette Déclaration doit être adaptée aux différentes langues dans le monde, en prenant en compte les diverses cultures, traditions linguistique set expressions coopératives, sur la base des versions originales en anglais et en espagnol, ou les deux.

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Considérations Générales

1. L´humanité poursuit en permanence l’amélioration de la qualité des formes d’organisation du travail, et s’efforce d’accéder à des relations de travail toujours meilleures, plus équitables et plus dignes.

2. Présentement, les êtres humains exercent leurs activités professionnelles selon trois modalités fondamentales: a) de manière indépendante comme leur s propres employeurs, chacun se définissant dans ce cas selon ses propres capacités et se régulant de manière autonome; b) comme salariés dépendants, continuellement subordonnés à un employeur qui se limite à fournir une rémunération, produit de négociations individuelles ou collectives; ou c) sous une troisième forme, celle du travail associé, par laquelle le travail et la gestion sont exercés conjointement, sans les limites inhérentes au travail individuel, et sans dépendre exclusivement des règles du travail salarié conventionnel.

3. Parmi les modalités du travail associé, celle organisée sous la forme de coopératives est actuellement celle qui a atteint le niveau le plus avancé de développement et a pris la plus grande importance dans le monde. Sa structure est fondée sur les principes, les valeurs et les méthodes opérationnelles qu’utilisent les coopératives au niveau universel et qui sont inscrits dans la Déclaration sur l’identité coopérative (Manchester, 1995), convenus dans le cadre de l’Alliance Coopérative Internationale (ACI), et intégrés à la Recommandation 193/2002 de l’OIT sur la promotion des coopératives.

4. Les coopératives de travail associé s’engagent à être régies par la Déclaration sur l’identité coopérative internationale susmentionnée. En outre, s’est fait jour la nécessité de définir à l’échelle mondiale des caractéristiques fondamentales et des règles de fonctionnement interne qui soient propres à ce type de coopératives, dont les buts et les objectifs sont spécifiques et diffèrent des coopératives d’autres types. Cette définition renforcera la cohérence et l’identité universelle du travail associé coopératif, stimulera son développement, et suscitera la reconnaissance mondiale de ses fonctions sociale et économique de création d’emplois décents et viables, tout en empêchant les dérives et les abus.

5. Une déclaration mondiale est également nécessaire sur l’importance du travail associé, la promotion des coopératives de travail associé, et leurs relations avec les coopératives d’autres types, ainsi que l’Etat, les organisations internationales, le monde de l’entreprise, et les syndicats. Cela est nécessaire en vue de garantir le développement et la promotion des coopératives de travail associé, ainsi que la pleine reconnaissance de leur rôle comme acteurs dans la résolution des problèmes du chômage et de l’exclusion sociale, et comme avocats d’une des modalités les plus avancées, équitables et porteuses
de dignité en matière de relations de travail, de production et de distribution de la richesse, et de démocratisation de la propriété et de l’économie.

6. Si CICOPA compte également parmi ses affiliés des coopératives d’artisans indépendants et d’autres formes de gestion coopérative fondées sur les concepts essentiels de travail et de production, la présente déclaration est spécifiquement destinée aux coopératives de travail associé. Cela n’exclut pas son usage éventuel, dans la mesure du possible, par des coopératives d’usagers qui impliquent leurs travailleurs comme associés et co-propriétaires de manière distincte de leurs autres associés, de telle sorte que leurs intérêts soient représentés de manière appropriée. Il en va de même pour toutes les formes de gestion qui accordent une reconnaissance particulière au travail humain et à ceux qui l’exercent, comme les sociétés anonymes de travail (sociedades anonimas laborales – SALs) qui procurent à leurs travailleurs des avantages de type coopératif, et en général toutes les entreprises de type communautaire qui offrent des relations de travail spéciales à leurs membres, outre l’allocation de services de protection sociale.

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Sur la base des considérations susmentionnées, CICOPA approuve à l’unanimité la Déclaration mondiale sur le travail associé coopératif, ci-dessous.

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I. Caractéristiques Fondamentales

Sur la base de la définition, des valeurs et des principes inscrits dans la Déclaration sur l’Identité Coopérative (Manchester, 1995), et intégrés à la Recommandation 193/2002 de l’OIT sur la promotion des coopératives1, les coopératives de travail associé présentent les caractéristiques fondamentales suivantes:

  1. Elles visent à la création et au maintien d’emplois viables et à la création de richesse,
    dans le but d’améliorer la qualité de vie des travailleurs associés, de conférer de la
    dignité au travail humain, de permettre l’autogestion démocratique des travailleurs, et
    de promouvoir le développement des collectivités et le développement local.
  2. L’adhésion libre et volontaire de leurs associés, en vue d’apporter leur travail et leurs
    ressources économiques personnelles, est conditionnée par l’existence de postes de
    travail.
  3. En règle générale, le travail doit être exécuté par les associés. Cela signifie que la
    majorité des travailleurs d’une entreprise coopérative de travail associé sont aussi
    associés, et vice-versa.
  4. La relation qui lie les travailleurs associés et leur coopérative doit être considérée
    comme différente de celle qui caractérise le travail salarié conventionnel et le travail
    individuel indépendant.
  5. Leur régulation interne est définie formellement par un ensemble de dispositions
    convenues démocratiquement et acceptées par les travailleurs associés.
    6. Elles doivent être autonomes et indépendantes, vis- à-vis de l’Etat et de tiers, dans leurs
    relations de travail et leur gestion, ainsi que dans l’usage et la gestion des moyens de
    production.

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II. Règles de Fonctionnement Interne

Dans le cadre de leur fonctionnement interne, les coopératives de travail associé doivent
prendre en compte les règles suivantes. Elles doivent:

  1. Apporter une contrepartie équitable au travail de leurs associés, en accord avec les fonctions, les responsabilités, la complexité et la spécificité que suppose leur poste, ainsi que leur productivité et la capacité économique de l’entreprise, en tentant de réduire l’écart entre la compensation la plus élevée et la moins élevée.
  2. Contribuer à l’augmentation du capital et la croissance appropriée des réserves et fonds indivisibles.
  3. Equiper le lieu de travail d’installations techniques et physiques propices à un bon fonctionnement et à un climat organisationnel satisfaisant.
  4. Protéger les travailleurs associés au moyen de systèmes de protection et de sécurité sociales, de santé sur le lieu de travail, et se soumettre aux normes en vigueur en matière de maternité, de garderies et des mineurs au travail.
  5. Pratiquer la démocratie au niveau des instances de décision et à tous les stades du processus de gestion.
  6. Garantir l’éducation, la formation permanente et le renforcement des capacités des associés, ainsi que l’information à ceux- ci, afin de garantir la connaissance économique des membres professionnelle et le développement du modèle coopératif, et de stimuler l’innovation et la bonne gestion.
  7. Contribuer à l’amélioration des conditions de vie du noyau familial et au développement durable de la communauté.
  8. Combattre leur utilisation comme instruments destinés à rendre les conditions de travail des salariés plus flexibles et plus précaires, et ne pas faire office d’intermédiaire conventionnel dans l’allocation de postes de travail.

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III. Rélations au Sein du Mouvement Coopératif

Le mouvement coopératif est vivement engagé à:

  1. Faire de la promotion des coopératives de travail associé une des principales priorités du mouvement coopératif mondial, et contribuer concrètement à la création de nouvelles entreprises de ce type.
  2. Établir des alliances stratégiques qui encouragent le développement de coopératives de travail associé, et rendre possible leurs projets entrepreneuriaux, y compris l’accès à des financements appropriés, et la promotion des services et produits qu’ils proposent.
  3. Établir des mécanismes de formation de capital au sein des coopératives de travail associé, y compris par l’intermédiaire de la contribution de coopératives d’autres types à la formation de capital- risque, en prévoyant pour celles- ci une contrepartie couvrant le coût d’opportunité et une participation adéquate à la gestion, sans mettre en danger l’autonomie et l’indépendance des coopératives de travail associé.
  4. Promouvoir les organisations représentatives des coopératives de travail associé au niveau local, national, régional et international, et la coopération entre elles, et favoriser la création d’entités de second degré, de groupes et consortiums entrepreneuriaux et d’accords socioéconomiques communs entre coopératives, en vue de fournir des services entrepreneuriaux efficaces, de renforcer le mouvement coopératif, et d’oeuvrer pour un modèle de société caractérisé par l’inclusion sociale et la solidarité.
  5. Promouvoir des initiatives visant à garantir que l’Etat et ses différentes branches créent et améliorent des instruments pour le développement de ce type de coopérative, y compris une législation pertinente et appropriée. Cela suppose également de promouvoir des demandes auprès de parlementaires, afin de rendre possible l’adoption d’une telle législation.
  6. Promouvoir, dans la mesure du possible, l’intégration des salariés conventionnels des coopératives comme travailleurs associés.

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IV. Rélations avec l’État et avec les Institutions Régionales et Intergouvernementales

  1. Les gouvernements devraient apprécier l’importance de la promotion et du développement des coopératives de travail associé comme acteurs efficaces de la création d’emploi et d’inclusion dans le monde du travail de groupes sociaux sans emploi. En conséquence, les gouvernements ne devraient pas établir de discrimination contre les coopératives de travail associé, et devraient inclure la promotion et le développement des entreprises de ce type dans leurs politiques et leurs programmes, en vue de lutter contre certains des problèmes les plus graves auxquels le monde est confronté, résultats d’une mondialisation et d’un développement excluants, tels que le chômage et les inégalités.
  2. En vue de faire du travail associé coopératif une réelle option, les États devraient adopter des systèmes régulateurs nationaux et régionaux qui reconnaissent la nature juridique spécifique de ce type de coopératives, leur permettent de produire des biens et des services dans les meilleures conditions et de développer pleinement leur créativité et leur potentiel entrepreneuriaux, dans l’intérêt des travailleurs associés et de la collectivité dans son ensemble.
  3. En particulier, les États devraient:
    – Reconnaître dans leur législation que le travail associé coopératif est conditionné par des relations industrielles et de travail qui diffèrent du travail salarié et du travail indépendant, et accepter que les coopératives de travail associé appliquent des normes et une régulation correspondantes.
    – Garantir l’application de la législation générale du travail aux travailleurs non-associés de coopératives de travail associé, avec qui des relations de salariat conventionnel sont établies.
    – Appliquer aux coopératives de travail associé le concept de l’OIT de travail décent, et des dispositions claires et cohérentes régulant la protection sociale en matière de santé, retraite, assurance- chômage, santé et sécurité sur le lieu de travail, en prenant en compte la spécificité de leurs relations de travail.
    – Définir des dispositions spécifiques régulant le régime fiscal et l’organisation autogestionnaire des coopératives de travail associé, qui rendent possible et encouragent leur développement.
    – En vue de recevoir un traitement adéquat de la part de l’Etat, les coopératives devraient être inscrites à un registre et/ou auditées.
  4. Les gouvernements devraient garantir l’accès à des conditions de financement adéquates pour les projets entrepreneuriaux initiés par des coopératives de travail associé, par la création de fonds publics spécifiques, de garanties de prêts ou de conventions pour l’accès aux ressources financières, et par la promotion d’alliances économiques avec le mouvement coopératif.
  5. Les États et les organisations régionales et intergouvernementales devraient promouvoir des projets fondés sur l’échange d’expériences réussies, sur le développement de structures d’appui entrepreneurial et institutionnel et l’information à leur propos, dans le cadre de la coopération régionale et internationale, pour favoriser la création d’emploi, les initiatives entrepreneuriales viables, l’égalité de genre et la lutte contre la pauvreté et la marginalisation.
  6. Le travail associé coopératif devrait être promu comme option et comme modèle entrepreneurial, aussi bien dans le cadre de changements entrepreneuriaux, de restructurations, de démarrage, de privatisations, de reconversion d’entreprises en crise, et de transmissions d’entreprises sans héritiers, que dans le cadre de la concession de services publics et l’attribution de marchés publics, pour lesquelles l’État doit définir des clauses qui stimulent le développement local par l’intermédiaire des entreprises coopératives de travail associé.
  7. Dans le domaine des relations avec l’Etat, il est important de souligner la directive de la Recommandation 193 de l’OIT relative à la nécessité d’oeuvrer à la consolidation d’une sphère distinctive au sein de l’économie, qui inclue les coopératives3. Il s’agit d’une sphère dans laquelle le profit ne constitue pas la motivation première, et qui se caractérise par la solidarité, la participation et la démocratie économique.

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V. Rélations avec les Organisations d’Employeurs

Les organisations d’employeurs peuvent promouvoir le développement du travail associé
coopératif comme forme entrepreneuriale dont le principal objectif est la création
d’emplois durables et décents prése ntant une valeur ajoutée entrepreneuriale, ainsi que
comme une solution adéquate pour le redressement d’entreprises en crise ou en
liquidation, qui respecte leur autonomie et permet leur libre développement, sans abuser
de cette modalité de travail associé pour enfreindre les droits des travailleurs.

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VI. Rélations avec les Organisations de Travailleurs

Le mouvement coopératif doit maintenir un dialogue permanent avec les syndicats, en leur
qualité de représentants des travailleurs, afin de s’assurer qu’il s comprennent bien la nature
et l’essence du travail associé coopératif en tant que modalité distinctive de relations de
travail et de propriété4, qui permet de surmonter les traditionnels conflits propres au
travail salarié, et faire en sorte qu’ils soutiennent cette modalité au vu de son importance et
des perspectives qu’elle offre aux sociétés humaines.

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Cette déclaration concorde avec la Recommandation 193 de l’OIT, avalisée par les
gouvernements, les organisations patronales et de travailleurs du monde entier. Conséquent, nous espérons que les différentes parties citées voudront bien la considérer sérieusement, afin de contribuer à la résolution du grave problème du chômage qui affecte l’humanité et compromet la paix mondiale et les droits humains.