La reprise des entreprises par les employés : une fenêtre d’opportunité inégalée

Un reportage par Martin Villemure, la CDR de l’Abitibi-Témiscamingue

Les chiffres sont impressionnants: 55 000 entreprises à reprendre d’ici 2018 au Canada, dont 25 000 qui ne trouveront pas de repreneurs.

Le contexte est lui aussi particulier: au sortir d’une crise financière mondiale qui semble née des prémisses même du système capitaliste, on cherche des solutions novatrices.

Il semble donc y avoir une opportunité exceptionnelle pour la reprise d’entreprise par les employés, une opportunité pour les coopératives. C’était le sujet du Congrès sur la transmission d’entreprises aux employés du 11 au 13 octobre 2011 à Québec, organisé par la Fédération canadienne des coopératives de travail et le RÉSEAU de la coopération du travail du Québec.

Mais les défis seront grands pour que la transmission d’entreprise aux employés ne reste pas un phénomène marginal. Et plusieurs ont été nommés lors de ce Congrès sur la transmission.

Il faut d’abord éveiller les propriétaires à la possibilité même de transférer leur entreprise à leurs employés. Ceci ne va pas de soi. L’entrepreneur qui a bâti son entreprise au fil des ans veut s’assurer une retraite confortable. La mondialisation des marchés amène chez nous de gros joueurs internationaux capables d’offrir aux propriétaires une retraite dorée. Face à eux, les employés représentent-ils vraiment un acheteur potentiel?

Le modèle coopératif a sans doute de quoi séduire par son impact local. Pour cela, il faut miser sur la fibre régionale des propriétaires, leur faire réaliser la possibilité de léguer un héritage collectif dans leur milieu.

Plus par méconnaissance que par manque de volonté, plusieurs entreprises risquent d’être vendues par les propriétaires sans que les travailleurs ne soient mis au courant et à des intérêts qui pourraient vouloir délocaliser l’entreprise. Alors que les entrepreneurs locaux sont plus souvent qu’on ne le pense sensibles à ce que leur entreprise continue de progresser dans leur milieu.

Les employés doivent pouvoir être identifiés comme relève potentielle. D’où l’importance de sensibiliser les propriétaires à la possibilité de transférer leur entreprise à leurs travailleurs. D’où l’importance aussi de présenter aux conseillers financiers des entreprises (comptables, avocats, notaires, agents de développement des CLD et SADC, etc.) le modèle de coopérative de travailleurs et de coopérative de travailleurs actionnaire comme outils de relève.

Il faudra ensuite que les travailleurs soient formés, accompagnés. Pour avoir moi-même accompagné un groupe d’employés dans l’acquisition d’une part des actions de la compagnie qui les emploient, l’accompagnement est primordial. La vulgarisation aussi. L’information surtout.

Il faut pouvoir compter sur des histoires à succès afin de diffuser le modèle. Le Québec en compte déjà plusieurs et le Congrès a permis d’en découvrir d’autres. Ces modèles doivent être diffusés.

Mais le monde coopératif est-il prêt?

Il semble nécessaire de structurer davantage l’intervention auprès des entrepreneurs. De former des équipes de travail spécialisée en transmission. D’offrir des outils financiers aussi.

Il existe au Québec le Régime d’investissement coopératif afin de stimuler les travailleurs à investir dans leur coopérative et les soutenir dans l’achat d’une entreprise. 2012 représente une belle opportunité pour le Canada de mettre une telle mesure en place à l’échelle canadienne.

Ce Congrès a été pour moi l’occasion d’une grande prise de conscience sur l’état de la situation de la relève d’entreprise au Canada. J’ai pu aussi découvrir de belles initiatives de reprises d’entreprise par les employés qui ont fonctionné. Mais je suis déjà convaincu par la formule coopérative. Une grande partie de notre tâche maintenant c’est de rejoindre ceux qui ne le sont pas!