Traduction par Jessica Provencher
Lorsque la coopérative Tourne-sol a débuté ses activités en 2005, on peut dire qu’elle sortait des sentiers battus. Il y avait peu de fermes coopératives à ce moment-là au Canada et il demeure qu’elles sont toujours plutôt rares 15 ans plus tard. Dan Brisebois, l’un des cinq membres fondateurs de la coop, n’a toutefois aucun regret au sujet de la route empruntée par ses membres.
« Quand vous regardez le succès obtenu au fil du temps, je pense que d’avoir un groupe plus large dans le processus décisionnel permet de prendre de meilleures décisions, plus réfléchies et moins sujettes aux problèmes, plutôt que des décisions spontanées que vous pourriez regretter plus tard », dit-il. « Alors non je ne regrette pas. Non pas que ce soit toujours facile. Mais faire des affaires ce n’est pas toujours facile. »
En effet, avant même que Tourne-sol ne soit lancée, il y avait un débat entre ses membres fondateurs à savoir s’il était envisageable, sans même être facile, de rendre leur entreprise profitable. Les fondateurs et fondatrices, tous et toutes diplômé·es du programme d’agriculture du campus MacDonald de l’Université McGill, ont simplement exprimé le désir d’avoir un jardin et de gagner de l’argent, tant qu’à y être, sans envisager l’ampleur de la croissance à venir de leur entreprise.
Maintenant que cette dernière a grandi, à la fois par l’ajout de deux nouveaux membres au noyau des cinq membres fondateurs et par l’expansion des affaires pour inclure la vente de semences biologiques, le co-fondateur Frédéric Thériault est d’avis que cela s’est fait de façon mesurée. En donnant le pouvoir au groupe plutôt qu’à un ou deux individus, la coopérative a minimisé les achats d’équipements dispendieux en priorisant la qualité de vie et les conditions de travail de ses membres.
« Gérer une entreprise comme la nôtre avec cinq administrateurs et administratrices, qui sont tous et toutes des membres fondateurs, est beaucoup moins stressant, moins difficile et moins lourd que de le faire sous un modèle plus traditionnel » de déclarer M. Thériault.
Même s’il admet que les membres de la coop Tourne-sol gagnent des salaires plus élevés que les employé·es d’autres fermes de taille similaire, M. Thériault croit que cela serait dû à des facteurs uniques à Tourne-sol et pas nécessairement au fait d’être une coopérative. Toutefois selon lui, les relations qu’il a bâti avec les autres membres sont définitivement le résultat du modèle coopératif adopté.
« Je pense que notre travail est enrichissant », dit-il. « J’apprécie les amitiés que j’ai développées avec tous mes collègues. »
Frédéric Thériault croit que l’un des investissements les plus importants qu’une coopérative peut faire, c’est dans son monde. C’est pourquoi les membres de Tourne-sol ont participé à des formations sur la communication non-violente et sur la gestion holistique d’une entreprise, deux techniques dont les principes clés s’appliquent en bonne partie à leur travail. En ce qui concerne d’autres investissements, la coopérative souhaiterait, à long-terme, transférer vers une flotte de véhicules électriques (incluant les tracteurs pour ses opérations) et continuer de développer son département des semences.
La croissance continue de l’entreprise est une source de satisfaction pour M. Brisebois. Ce qui est particulièrement satisfaisant pour lui est le fait qu’il a fallu plus qu’un râteau, une houe et une parcelle de terre fertile pour mener au succès : c’est le résultat de personnes prêtes à endurer un processus difficile mais qui ultimement en valait la peine.
« C’est très satisfaisant d’avoir bâti cette entreprise qui est maintenant plus grande que ce que je n’aurais jamais imaginé faire », dit-il. « Mais je pense que si on s’en tient seulement à la partie « coop », ce qui est le plus gratifiant est d’arriver à travailler ensemble sur quelque chose malgré nos différences apparemment irréconciliables et que le résultat réponde finalement aux besoins et aux attentes de tout le monde encore mieux que dans leurs perceptions originales. »