Écosystème des coopératives : le rôle crucial des fédérations dans son développement

Par Kenzie Love

Le rapport du Canadian Centre for the Study of Co-operatives sur l’enquête des principaux enjeux des coopératives en 2024 cite bon nombre d’enjeux cernés dans les années passées comme les plus pressants, le manque de connaissance du modèle coopératif figurant à nouveau en tête de liste. Toutefois, un enjeu plus récent apparaît plus bas dans la liste : le rôle en pleine évolution des fédérations. Bien que moins souvent nommée par les participant·e·s à l’enquête, cette question a des répercussions tant sur les travailleur·euse·s des coopératives que sur le mouvement dans son ensemble. Selon le rapport, « la complexité du monde des affaires ainsi que les coûts croissants forcent les coopératives à repenser leurs investissements dans les fédérations et, par conséquent, le rôle que celles-ci devraient jouer [traduction]. »

Cette conclusion n’est pas vraiment surprenante. Les PME, dont la plupart des coopératives de travail, font actuellement face à une multitude de défis les contraignant à remettre en question chaque dépense, et les droits d’adhésion aux fédérations n’y échappent pas. Parallèlement, la collaboration entre coopératives est un principe coopératif et être membre d’une fédération de coopératives est assurément une façon de l’incarner, même si ce n’est pas la seule. Marty Frost, qui fait partie de la coopérative de travail CoActive Developments, et l’une des membres cofondateur·trice·s de la FCCT croient en l’importance des fédérations de coopératives tout en reconnaissant que les avantages qu’elles offrent peuvent s’avérer intangibles.

« Selon moi, les fédérations de coopératives ont une utilité », dit-il. « Et je pense que notre défi a toujours été de la mettre de l’avant de sorte que les gens puissent la reconnaître comme telle, car beaucoup de membres des coopératives de travail – en particulier celles de petite taille, qui constituent la majeure partie de notre membrariat – doivent lutter chaque jour pour rester à flot. »

C’est une réalité que connaît bien Hazel Corcoran, directrice générale de la FCCT. Même si le contexte actuel dresse de nouveaux obstacles sur le chemin des coopératives de travail, la difficulté à les inciter à travailler avec la Fédération ne date pas d’hier. Hazel Corcoran estime, cependant, que les coopératives de travail, surtout celles d’envergure, ne doivent pas simplement considérer les avantages qu’elles peuvent retirer de la FCCT : il leur faut aussi penser à ce qu’elles peuvent y contribuer. 

« À mon avis, les coops plus nombreuses et mieux établies sont plus à même de soutenir une fédération en raison de leurs ressources plus importantes, mais elles ont moins besoin de ses services », explique-t-elle. « À l’inverse, les petites coops en difficulté sont celles qui en ont le plus besoin, alors nous avons l’espoir de toujours encourager le concept de solidarité pour que tout le monde continue de coopérer. »

Les fédérations, tout comme leurs membres, disposent souvent de ressources limitées, mais elles n’ont fait que gagner en importance alors que les gouvernements en dehors du Québec ont réduit leur appui. Pour que les coopératives ne disparaissent pas des radars politiques, elles ont besoin d’une fédération qui amplifiera leurs voix. D’après Daniel Brunette, de Coopératives et mutuelles Canada, les fédérations pourraient mieux illustrer leur utilité à leurs membres, même si elle devrait être évidente d’emblée.

« Le travail des fédérations devrait être plus naturel en raison du principe de l’intercoopération, n’est-ce pas? » dit-il. « C’est le sixième principe coopératif, et ainsi de suite. Ce travail devrait se produire plus naturellement, mais il y a tellement d’embûches différentes. Il nous incombe donc de mettre en lumière la valeur de l’association faîtière. »

Mais si les fédérations doivent sans aucun doute continuer à démontrer leur importance auprès de leurs coopératives membres, Hazel Corcoran est d’avis que celles-ci s’en rendront compte par elles-mêmes si elles saisissent l’occasion.

« Je pense que les membres qui ont activement profité de nos services, par exemple en assistant à nos webinaires, en obtenant une subvention pour aide technique ou en participant à des conférences, découvrent l’utilité de se mobiliser de cette manière et ont tendance à continuer à plus s’impliquer que les coopératives qui ont simplement entendu parler de la Fédération et y ont adhéré, mais sans vraiment travailler avec elle », explique-t-elle. « C’est à nous d’illustrer notre valeur pour que nos membres se tournent vers nous et en retirent les avantages. »