Par Kenzie Love
Pourquoi certaines coopératives de travail prospèrent-elles et d’autres non? Il n’existe pas de réponse simple. Par contre, un indice d’« échec » se démarque : l’incapacité d’une coopérative de travail à apprendre des expériences de celles qui ont tenté de surmonter certains défis propres à ce type d’organisme.
Cumulant plus de 20 années en affaires à titre de société de conseil spécialisée dans l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de leurs conséquences, la Coopérative le Groupe de solutions durables SSG (Sustainability Solutions Group) est une coopérative de travail florissante, comme en témoigne entre autres une distinction reçue le mois dernier, soit le prix de l’initiative environnementale de l’année de Coopératives et mutuelles Canada. N’empêche qu’au fil des années, la coopérative a dû s’attaquer à des questions sur sa taille, sa vision et ses valeurs. Jeremy Murphy, membre de longue date, a récemment fait part des réflexions de SSG à cet égard tout au long de son parcours.
Équilibrer idéalisme et réalisme
Comme quelques autres coopératives de travail, SSG a d’abord adopté une approche que M. Murphy qualifie de hautement idéaliste, où l’ensemble des membres devaient assumer tour à tour diverses tâches, comme la tenue des comptes et la production des déclarations de revenus, en suivant un calendrier. Mais, au fil du temps, il est devenu clair que ce n’était pas la meilleure façon d’utiliser les ressources.
« La coop s’est retrouvée avec des personnes assignées à des tâches qu’elles ne maîtrisaient pas forcément, ce qui s’est avéré tout à fait contreproductif », explique M. Murphy. « Alors, au lieu de prendre ces tâches en alternance, nous avons jugé pertinent d’embaucher des spécialistes : en comptabilité, en ressources humaines, etc. Nous avons ainsi pu nous libérer du temps pour nous concentrer sur l’excellence dans la réalisation de projets et le développement des affaires, de même que peaufiner la façon dont nous obtenions du nouveau travail. »
En faisant plus de place à la spécialisation, SSG a pu remplir son mandat général tout en conservant une structure non hiérarchique.
Conjuguer croissance et viabilité
Croître pour croître ne s’inscrit pas dans les visées des coopératives de travail. Cela dit, l’essor de SSG est instructif. Même si son travail a pris de l’ampleur, la coopérative n’a jamais dévié de sa grande mission. Elle a su conserver un haut taux de maintien en poste tout en accueillant de nouvelles recrues. Et, tout cela, en entretenant des relations fortes avec ses membres, même si la plupart travaillent à distance.
« Nous avons favorisé la communauté et misé sur les divers mécanismes qui nous permettent de nous réunir à distance », déclare M. Murphy. « Et, dans le processus de croissance de l’organisme, nous avons tenu les gens informés et avons impliqué tout le monde dans la prise de décision et la direction de l’organisme. Je pense que la leçon à tirer est qu’il est payant de fournir des efforts consciencieux et concertés. Sans ces efforts, nous serions juste une société de conseil comme une autre. Peut-être ue notre taux de roulement serait supérieur. Nous posséderions moins notre travail. Nos investissements seraient moindres. L’esprit de camaraderie et de communauté en pâtirait. Alors je suis heureux de l’énergie que SSG a déployée en ce sens. »
Rester fidèle aux valeurs coopératives
Comme c’est souvent le cas, SSG a été créé expressément en vue d’être une coopérative de travail parce que les principes de ce modèle, notamment la prise de décision démocratique et le souci de la communauté, concordaient avec les valeurs de l’équipe fondatrice. Cependant, même si ce modèle était justifié pour les membres de SSG, il n’a pas toujours été facile de convaincre les profanes de son intérêt, un défi assez courant.
« On nous a recommandé de ne jamais nous présenter comme une coopérative de travail, un terme qui apparemment semait la confusion ou encore s’apparentait trop à un organisme à but non lucratif. On nous a dit qu’il risquait de miner notre compétitivité face aux entreprises concurrentes », révèle M. Murphy.
Mais depuis les débuts, SSG ne s’est pas gêné pour se décrire comme une coopérative de travail, qui constitue à ses yeux non pas un désavantage, mais un avantage.
« Nous n’hésitons pas à nous présenter en tant que coop et à essayer d’expliquer aux gens en quoi consiste ce modèle, pourquoi il est si avantageux et comment il influe sur notre travail », dit-il.