Par Kenzie Love
Des membres de coopératives de travail de partout au Québec et au reste du Canada se sont rassemblé·e·s à Québec du 14 au 16 novembre lors du Congrès 2023 de la FCCT, organisé conjointement avec le Réseau COOP. Avec le titre « Plus fort·e·s ensemble », le choix de la thématique du congrès vise à démontrer le besoin pressant d’une philosophie coopérative dans un monde qui valorise davantage les accomplissements individuels que le succès collectif.
Le congrès s’est tenu au Monastère des Augustines, un lieu historique rénové qui sert maintenent de centre de bien-être et de yoga. Les 57 participant·e·s y ont profité d’un certain répit de leur train-train quotidien. Même dans cet environnement paisible, il s’est avéré impossible d’échapper aux nombreux enjeux qui secouent actuellement le monde, notamment la crise climatique, le conflit en Israël et à Gaza, l’inégalité grimpante des revenus et le racisme systémique.
Le mouvement des coopératives de travail n’est pas à l’abri de ces enjeux. Le congrès a démontré son potentiel d’offrir des solutions à plusieurs d’entre eux, en commençant au sein même des coopératives des membres de la FCCT. Dans sa présentation « Retour aux sources – un guide sur la santé mentale dans la vie personnelle et professionnelle » (en anglais seulement), Margaret Tusz-King a souligné cette « singularité coopérative », cette capacité des coops de travail à façonner les milieux de travail rêvés, dans lesquels l’amélioration de la santé mentale peut s’inscrire.
Dans une autre présentation (en anglais seulement), Juliet ‘Kego Ume-Onyido a expliqué en contrepartie que les efforts d’amélioration de la santé mentale prouvent leur efficacité seulement lorsque l’on reconnaît les causes profondes des problèmes de santé mentale. Face à un fonctionnement coopératif parfois en vase clos, Juliet s’est livrée à un plaidoyer puissant en faveur d’une solidarité pour résoudre les enjeux comme la pauvreté et le racisme. Elle a par ailleurs souligné le potentiel de cette solidarité pour créer un monde meilleur. Juste après, Mohammed Zaqout de LightWork Co-op à Surrey, en Colombie-Britannique, a livré un magnifique plaidoyer en faveur des liens communautaires comme outil pour composer avec les traumatismes. Originaire de Gaza, en Palestine, Mohammed Zaqout a ouvertement parlé de la situation de sa famille et de sa communauté, un partage visiblement difficile et profondément bouleversant, avant de guider les participant·e·s dans un exercice de bourdonnement collectif pour se rapprocher.
Organisé au cœur de la scène coopérative foisonnante de la ville de Québec, le congrès a servi d’exemple, à petite échelle, d’un monde différent. Les participant·e·s ont pu l’entrevoir en visitant quatre coopératives de travail locales. Cependant, comme l’a noté Rebecca Kemble dans sa présentation sur le projet Solidarity Economy (économie solidaire), pour un mouvement coopératif véritablement transformateur, au-delà de la simple réduction des méfaits, les réseaux de coops de travail locaux comme ceux de Québec doivent s’intégrer à un écosystème beaucoup plus vaste. Karine Awashish, de la Coop Nitaskinan a ensuite inspiré tout le groupe avec sa présentation (en français seulement) sur la coopération comme outil d’autodétermination des communautés autochtones. Elle a expliqué que la coopération se trouve depuis longtemps au fondement des sociétés autochtones et se construit dans un rapport étroit avec la nature. Le secteur des coopératives doit se décoloniser, à travers le dialogue et l’échange.
Bien que les coopératives de travail ne représentent qu’une infime partie de cet écosystème, le congrès a démontré leur rôle essentiel. Bruno Roelants, ancien directeur général de l’Alliance coopérative internationale, a avoué dans son discours d’honneur l’importance minime des coopératives de travail du point de vue quantitatif. Sur le plan qualitatif, toutefois, leur effet énorme à titre de laboratoire vivant sur les manières d’organiser le travail continue de se faire sentir.
Des ateliers variés étaient également de la partie lors du congrès, ainsi que plusieurs courtes présentations « Ignite », des moments de consultation auprès de spécialistes du développement coopératif et l’AGA de la FCCT.
Le congrès n’a peut-être duré que trois jours; sa courte durée est toutefois compensée par l’effet durable de l’événement, preuve de la résilience du mouvement, malgré les temps difficiles. Comme l’a exprimé une personne participante qui y assistait pour la première fois, le congrès « a provoqué une nouvelle vague d’espoir, de foi et d’enthousiasme envers l’avenir. Nous avons de nombreuses raisons d’être préoccupé·e·s. Toutefois, nous sommes bel et bien plus fort·e·s ensemble; la démocratie représente la forme de solidarité par excellence, et les coopératives de travail constituent la formule coopérative la plus intéressante. »