Kenzie Love, adjoint aux communications, FCCT
Effort physique, risque de blessures omniprésent, aléas de la météo… La messagerie à vélo est loin de faire l’unanimité. Si vous travaillez dans un domaine plus classique, ce métier ne vous fait probablement pas envie. Kat Exner, en revanche, ne pourrait pas être plus heureuse de faire partie de la coopérative de travail torontoise SendIt Courier.
« J’adore la nature de mon travail, dit-elle. C’est un métier difficile et éprouvant. Certains jours, il faut vraiment se motiver pour continuer. J’aime le défi que ça représente. »
Mise sur pied en 2012, SendIt s’est d’abord concentrée sur la livraison de repas, créneau qu’elle a délaissé suivant la montée des applications spécialisées dans ce service. Aujourd’hui, l’équipe transporte presque tout ce qui n’est pas de la nourriture. SendIt est à la fois une coopérative de travail et un collectif non hiérarchique, combinaison qu’on retrouve dans d’autres villes en Europe et en Amérique du Nord. Selon Doug Drake, membre de la coop, ce modèle se démarque des entreprises de messagerie plus traditionnelles.
« La qualité de l’environnement de travail est supérieure, note-t-il. Avec l’ancien modèle, on dépendait d’une personne responsable de la répartition qu’on entendait dans une radio et qu’on ne rencontrait généralement pas. On recevait des commissions, mais parfois, on ne gagnait même pas le salaire minimum. »
Kat et Doug aimeraient bien que les membres de la coopérative gagnent un peu plus, mais SendIt leur offre aussi des avantages intangibles. Ces deux habitué·e·s des emplois de bureau préfèrent aujourd’hui l’environnement collaboratif propre à la coop. Au lieu de séparer les tâches administratives et les tâches de livraison, les membres s’en acquittent à tour de rôle, un système qui plaît à Doug.
« On trouve que ça aide à diviser les responsabilités, résume-t-il. Tout le monde sait jouer tous les rôles et connaît bien le domaine, la façon de déléguer et le fonctionnement de la répartition au quotidien. Ça fait de nous une équipe de messagerie plus forte et plus efficace. »
Mais même quand tout va pour le mieux, la messagerie est un secteur imprévisible. Les membres de SendIt doivent fixer des tarifs qui leur permettent de vivre décemment, mais qui sont aussi à la portée de leur clientèle. Or, celle-ci comprend bon nombre de petites entreprises aux moyens limités.
« Il faut trouver le juste milieu entre offrir des tarifs abordables et permettre à nos membres de vivre dans une des villes les plus chères en Amérique du Nord, explique Doug. C’est un équilibre difficile à atteindre. La clientèle fluctue beaucoup dans notre industrie. »
SendIt a perdu une partie de sa clientèle à cause de la pandémie, les entreprises se tournant de plus en plus vers les solutions numériques plutôt que vers la livraison de documents et colis. Kat pense cependant que la crise n’a pas eu que des effets négatifs pour la coop. À son avis, la charge de travail réduite a permis d’envisager de nouvelles approches :
« Avec la pandémie et les entreprises qu’on a perdues, entre autres parce qu’elles ont déménagé, on a dû revoir notre approche commerciale et faire preuve de souplesse sur le plan des tarifs. Je pense qu’un des défis positifs de ce type de travail est qu’on apprend à bâtir l’entreprise d’une autre façon, qu’on n’avait pas envisagée avant parce qu’on n’avait pas le temps d’y penser. »
Pour Doug, il faudra miser sur l’innovation dans l’après-pandémie. Heureusement, à SendIt, tout le monde est encouragé à innover. Doug ajoute :
« Un des aspects les plus gratifiants de travailler à SendIt, c’est que le collectif est non hiérarchique : personne n’est au-dessus de personne. Il y a égalité entre nous. On n’entend jamais de phrases comme “ça ne fait pas partie de ta description de tâches” ou “ça dépasse ton niveau de responsabilité”. Quand on a une idée ou qu’on veut réaliser un projet, on en parle à l’équipe, puis on passe à l’action pour gagner une nouvelle entreprise cliente, améliorer l’espace de bureau ou trouver de nouvelles façons de faire. »