Par Kenzie Love
Le troisième principe coopératif est la participation économique des membres. Il stipule : « Les membres contribuent équitablement à, et contrôlent par voie démocratique, le capital investi dans leur coopérative. En général, au moins une partie de ce capital appartient communément à la coopérative. Les membres ne bénéficient que d’une rémunération limitée, si tant est qu’ils en reçoivent une, du capital souscrit comme condition d’adhésion à la coopérative. Les membres allouent les excédents à la réalisation de tout ou partie des objectifs suivants : développer leurs coopératives, éventuellement en créant des réserves dont au moins une partie est impartageable ; en redistribuant aux membres en fonction des transactions effectuées avec la coopérative ; et en soutenant d’autres activités approuvées par les membres. »
Dans les coopératives de travail, la participation économique des membres est un principe nécessaire parmi les sept principes coopératifs, mais il est incomplet. D’un côté, cela rompt avec la tradition entrepreneuriale où l’on ne s’attend généralement pas à ce que les travailleurs et travailleuses aident à financer l’entreprise ou s’en partagent les bénéfices. De l’autre, une coopérative ne respecte pas les six autres principes si la participation économique est la seule préoccupation des membres. Dans un sens, la participation économique des membres est avant tout un moyen d’arriver à une fin, une façon d’aider à garantir aux travailleurs et travailleuses propriétaires un salaire décent ainsi qu’une belle qualité de vie professionnelle, tout en leur assurant que leur travail profite aux gens, et non au capital.
La participation économique des membres dans une coopérative de travail permet un système à deux voies où le capital circule dans les deux sens entre les membres et la coopérative. Mais pour plusieurs, la participation économique semble subordonnée à d’autres priorités comme la durabilité, la communauté et les valeurs. Selon le code des coopératives de travail de Co-operatives UK, « Les membres d’une coopérative contribuent équitablement à son capital et à ses finances dont ils ont le contrôle démocratique. Les membres décident de la façon d’utiliser les excédents (bénéfices). » En contrepartie, « les coopératives de travail doivent verser les salaires et offrir les avantages dont les membres ont besoin en gérant l’entreprise de façon à leur fournir ce qu’ils souhaitent obtenir et à protéger son avenir. »
Pour David Thuss de London Brewing, la participation économique n’est que l’un des facteurs que la coopérative prend en compte lorsqu’elle recrute des membres potentiels. Même s’il croit que de pouvoir contribuer financièrement à la coopérative est important, il considère cela comme secondaire par rapport à l’engagement de la personne envers la durabilité et le développement de la communauté de London Brewing.
« Lorsqu’on envisage l’adhésion d’une personne, cela dépasse sa capacité à investir dans les actions privilégiées, dit-il. On se demande surtout si elle reflète les valeurs de la coopérative. »
Thuss croit également que les contributions des membres ne sont pas seulement financières, au même titre que les bénéfices qu’ils et elles retirent de leur participation. Bien que London Brewing paye tou·te·s ses membres salarié·e·s décemment et qu’elle soit en voie de le faire pour ses employé·e·s payé·e·s à l’heure, Thuss croit que la clé de la satisfaction des membres est la possibilité de participer aux prises de décisions concernant le budget, la vision et les autres aspects de la coopérative.
« Je pense que le fait de savoir qu’on participe à en bâtir la vision et l’orientation, dit-il, est l’élément qui permet aux coopératives d’en faire beaucoup plus pour la satisfaction au travail que les entreprises traditionnelles qui ne s’engagent pas dans un processus démocratique complet. »
Deborah Desilets de la coopérative Kootenay Bakery Café, située à Nelson, est d’accord avec l’importance de la participation économique des membres, mais croit qu’il est tout aussi primordial qu’ils et elles s’impliquent dans la communauté ainsi qu’à la coopérative. De plus, les avantages de cette approche sont, selon elle, bénéfiques pour tous.
« La responsabilité est un avantage. Vous avez la responsabilité de vous assurer du bon roulement de l’entreprise, donc vous faites partie d’un comité, etc. L’avantage est que vous allez acquérir des compétences et ce n’est pas seulement bon pour les membres, mais également pour la communauté parce que nous formons des leadeurs et des leadeuses, des gens qui se sentent concrètement responsables de leur communauté. »
Les notes d’orientation pour les principes coopératifs de l’Alliance Coopérative Internationale apportent une perspective un peu différente et s’intéressent à la nature nuancée et complexe de ce principe. Les notes stipulent que : « le concept économique clé consacré par ce principe (le 3e) est celui du capital de la coopérative au service de l’organisation, et non le maître. Toute la structure de la coopérative est bâtie autour du concept du capital au service de la personne et du travail, et non le travail et la personne tenus en servitude par le capital. La question essentielle posée par ce 3e principe est : « Comment faire pour que cela fonctionne?” Comme tout ce qui touche à l’argent, ce 3e principe est le plus délicat et le plus épineux des principes coopératifs, mais pas forcément le plus important. En effet, ce 3e principe est essentiellement une traduction financière de la définition de l’identité d’une coopérative, et des implications financières du 2e principe du pouvoir démocratique exercé par les membres. »
Le troisième principe est donc important. Toutefois, il doit reposer sur la base créée par l’adhésion aux autres principes coopératifs et aux valeurs coopératives, dont il est en partie le reflet.