par Hannah Rackow
Pour la coopérative Tënk à Montréal, la diffusion de films documentaires moins connus pour un public divers à travers le Canada est une passion et une mission. Florence Lamothe, cofondatrice et coordinatrice générale de la coopérative, explique que “le documentaire c’est un médium et un genre cinématographique qui est quand même sous-diffusé, assez mal-aimé, assez mal-financé de nos jours.” Tënk vise à remédier à cela en hébergeant et en mettant en valeur des films documentaires de partout sur leur plateforme en ligne.
Tënk a été fondée en 2019 après que Lamothe et Naomie Décarie-Daigneault, la directrice artistique de Tënk, soient revenues de stages avec Tënk France, des stages organisés par l’intermédiaire de l’Office franco-québécois pour la jeunesse. Tandis que la coopérative française avait un rêve d’établir un réseau de coopératives similaires autour du monde, il a fallu des partenaires locaux pour y arriver, ce que Florence et Naomie ont rendu possible au Québec. Le nom “tënk”, qui est partagée par les deux coopératives, est prononcé [tènk], et des fois [teunk]. Le mot, qui signifie « énoncer une pensée de façon claire et concise, » est un mot de la langue wolof de l’Afrique de l’Ouest. La plateforme québécoise, inspirée de la plateforme française, héberge des documentaires d’auteurs et indépendants pour diffusion en continu partout au Canada, et Tënk au Québec attribue une partie de son succès à son partenariat avec Tënk France.
“Nous on a eu besoin d’eux au niveau financier parce qu’au Québec on n’aurait pas eu les subventions pour soutenir une plateforme comme ça parce que ça coûte extrêmement cher,” note Florence, “puis inversement, si on ne l’avait pas nous implantée au Québec avec une équipe de programmation ici, je pense pas que ça aurait fonctionnée non plus. [..] Je pense que l’aspect de collaboration de deux coopératives internationales est vraiment assez innovant, même.”
Tënk est une coopérative de solidarité, employant une structure hybride composée à la fois de membres travailleurs-euses et de membres de soutien. Les quelque 14 membres de soutien de la Coopérative comprennent des organismes culturels, des cinéastes et des documentaristes, entre autres. Tous les types de membres participent à la prise de décision démocratique au sein de l’organisation.
Jason Burnham, Assistant à la programmation et responsable de la promotion pour la coop, explique que “le but c’est d’avoir quelque chose d’assez éclectique pour que ce soit rassembleur et pour que le plateforme puisse être investi d’une mission commune pour servir tous les secteurs relié au documentaire.”
La diversité des films disponibles en streaming est choisie par un groupe rotatif de conservateurs, composé de professionnels de l’industrie du documentaire – réalisateurs, cinéastes, critiques, conservateurs et autres – qui sont toutes et tous, surtout, des cinéphiles. Les films ne se limitent pas aux sélections françaises et anglaises, mais incluent des films de nombreux pays et dans de nombreuses langues. Les options de film vont de seulement trois minutes à près de quatre heures. Comme le soulignent Lamothe et Burnham, l’une des valeurs qu’ils tiennent le plus au cœur à la coopérative est la liberté éditoriale. Contrairement à un festival de cinéma ou à un théâtre physique, leur plateforme en ligne leur permet d’héberger des films atypiques qui, autrement, auraient du mal à trouver des lieux de diffusion, que ce soit en raison de leur durée, de leur format, ou de l’époque à laquelle ils ont été faites.
« On se permet d’aller vraiment jouer partout », dit-elle.
En tant que plateforme de streaming en ligne, Tënk était particulièrement bien placé pour survivre et même prospérer pendant la pandémie, quand la plupart des formes de divertissement se sont déplacées en ligne. Leur mission principale, explique Lamothe, est d’atteindre le plus grand éventail de public possible et de rendre les films documentaires accessibles aux gens qui ne se trouvent peut-être pas dans une région métropolitaine et qui ont moins accès aux événements culturels tels que les grands festivals de cinéma. En même temps, ils veulent se connecter et rencontrer leur public, ce que la pandémie a rendu plus difficile. Ils ont réussi à tenir quelques projections à Montréal, dont une récente en partenariat avec la Cinémathèque québécoise dans le cadre d’une série intitulée « French Conversations ». Ils ont aussi eu la chance de travailler en partenariat avec le Festival international du film de Montréal.
En ce qui concerne les activités futures de la coop, Tënk aimerait pouvoir organiser des tournées à l’extérieur de Montréal et à l’extérieur des centres métropolitains. En 2022, ils prévoient également se concentrer sur l’extension de leur portée à l’extérieur du Québec vers le reste du Canada. Bien que leurs services de diffusion soient disponibles partout au Canada en ce moment, leur présence et leurs efforts de publicité se sont largement déroulés au Québec, ce qu’ils espèrent changer dans les années à venir, peut-être par le biais de projections ou d’événements avec des festivals ou des organisations dans d’autres provinces.
Finalement, ils ont quelques projets qui sont peut-être moins stratégiques mais qui leur tiennent à cœur: plus particulièrement, ils aimeraient avoir une offre institutionnelle pour les cégeps, les universités et les collèges du Québec.
“Le documentaire,” remarque Lamothe, est un médium extrêmement important au niveau social […Les documentaires] approchent la réalité, l’actualité, les sujets politiques, les sujets intimes de tout autre manière que l’information ou les journaux peuvent le faire.”
Rêver de s’associer à des cégeps, des collèges et des universités, pour Tënk, c’est contribuer à créer un public capable d’interagir avec des médias et des idées plus complexes et plus exigeantes dans le monde.