Par Kenzie Love
Le rapport du Centre canadien d’étude des coopératives (de l’Université de la Saskatchewan) sur les principaux enjeux des coopératives en 2021 a été publié plus tôt cette année, et la visibilité – ou plutôt le manque de visibilité – du modèle coopératif s’est placée en tête des enjeux auxquels font face les coopératives, et ce, pour la quatrième année consécutive. Une des personnes sondées a justement observé que « Nous ne pouvons nous attaquer à aucuns des autres enjeux de la liste si les décideuses et décideurs politiques et les citoyen∙ne∙s ne comprennent pas la valeur des coopératives dans notre société. »
Elle est loin d’être la seule à tenir ces propos. Le manque de visibilité est souvent cité comme un obstacle majeur au mouvement coopératif, parmi d’autres comme l’éducation postsecondaire et la conversion en coopératives; il vaut donc la peine de creuser davantage les problèmes qui se posent. Karen Miner, du Centre international de gestion coopérative (International Centre for Co-operative Management) à l’Université Saint Mary s’est posé la question suivante dans un article de 2016 : « Pourquoi nous attendons-nous à ce qu’il y ait une visibilité publique de l’identité du modèle coopératif d’entreprise? Ou, du moins, qu’entendons-nous par cela? »
Le terme « visibilité » est certainement large quand on parle de coopératives. Selon l’Association des coopératives de la Saskatchewan, 21 millions de Canadien∙ne∙s sont membres de coopératives. Toutefois, le rapport sur les enjeux du milieu mentionne que « Même parmi les membres du public qui connaissent le modèle coopératif, on observe de l’apathie ou un désintérêt à comprendre les avantages du modèle coopératif, les manières dont le modèle bénéficierait aux consommateurs locaux et à leur communauté, ou la façon dont les coopératives pourraient être en harmonie avec les valeurs profondes de plusieurs.
C’est donc facile, pour les personnes du secteur coopératif canadien, de pointer du doigt le manque de visibilité, peu importe comment on le définit puisque, comme le note la chercheuse Miner, « la pénétration générale des entreprises coopératives dans l’économie est faible. » Mais elle observe aussi que ce manque de visibilité semble moins frappant quand on tient compte de la probabilité que « la personne citoyenne moyenne ne comprend pas les rouages internes de l’économie de marché qui domine l’activité économique dans nombre de nos pays et n’accorde pas beaucoup d’importance au modèle d’entreprise le plus puissant – l’entreprise cotée en bourse. Si la population ne fait pas de fixation sur le modèle d’entreprise omniprésent, pourquoi nous attendrait-on à ce qu’elle pense aux autres modèles : les entreprises détenues par ses employés, les entreprises familiales, ou toute autre forme d’entreprise, dont le modèle coopératif? »
Dans l’article, la chercheuse soutient que « quand on regarde les données des sondages, il n’est pas évident que la visibilité auprès du public soit un problème, » et cite les études qui montrent que les Canadien∙ne∙s choisiraient généralement de soutenir une coopérative plutôt qu’une chaîne de magasins si on leur en donnait la possibilité. De telles possibilités, toutefois, se font rares; c’est pourquoi la chercheuse croit que la clé pour augmenter la visibilité se trouve moins dans le cinquième principe (éducation, formation et information) que dans le troisième (participation économique des membres). « La contribution la plus importante des coopératives à un avenir durable, écrit-elle, se trouve dans la croissance de l’utilisation du modèle d’entreprise coopérative au détriment des modèles capitalistes. »
Cela pose naturellement la question de l’atteinte d’une telle croissance. Karen Miner croit qu’elle viendra d’une meilleure compréhension du modèle coopératif au sein même du secteur, qui, elle note, n’embrasse pas toujours le cinquième principe dans ses propres opérations; et d’une plus grande attention accordée au modèle coopératif dans les écoles de commerce.
Pour à la fois soutenir la croissance du secteur coopératif et faire en sorte qu’il soit mieux compris (à l’interne comme à l’externe), les coopératives peuvent raconter leurs récits de genèse en soulignant leur identité en tant que coopératives et la valeur générée pour leurs membres et leurs communautés. La FCCT décrit sur son site Web comment les principes coopératifs, appliqués aux coopératives de travail, les distinguent des entreprises capitalistes. Certains excellents exemples de nos membres qui racontent leurs histoires dans cette optique se trouvent sur les sites Web de Just Us! Coffee Roasters Co-op et de Home Care Workers Co-op à Peterborough.
Si vous souhaitez approfondir la question, voici des organisations qui offrent des formations sur les coopératives : le International Centre for Co-operative Management de l’Université Saint Mary, et le Réseau CoopZone (formation pour les personnes qui démarrent des coopératives). La dernière, mais non la moindre, est l’Académie des coopératives de travail de la FCCT, qui offre des formations et des conseils pour démarrer une coopérative de travail. Ces programmes sont seulement offerts en anglais. Le programme Parcours COOP est offert par le Réseau de la cooperation du travail du Québec, en français – et sur demande, avec de l’appui et les documents offerts en anglais.