L’engagement envers la collectivité est le dernier, mais certainement pas le moindre des principes coopératifs

par Kenzie Love

Adopté en 1995, l’engagement envers la collectivité est le septième et dernier ajout à la liste des principes coopératifs. Pourtant, d’une certaine manière, il est à l’origine des six autres principes. Les pionniers[1] de Rochdale, en Angleterre, n’ont pas nommé explicitement l’engagement envers la collectivité quand ils se sont entendus sur les principes coopératifs modernes, mais ce principe était au centre de leurs valeurs. Le groupe voulait non seulement offrir des biens et des services, mais aussi améliorer la qualité de vie et les conditions de travail de ses membres.

En 1844, l’idée qu’une entreprise s’engage envers la collectivité aurait pu sembler audacieuse. En 1995, les choses avaient changé. D’ailleurs, bon nombre d’entreprises classiques avaient depuis longtemps adopté la notion de responsabilité sociétale. Mais si on examine de plus près le septième principe et son influence sur les activités des coopératives de travail, on constate qu’il demeure une valeur centrale plutôt qu’un simple outil de markéting, du moins dans ce secteur de l’économie coopérative.

Au niveau le plus élémentaire, le fait qu’une coopérative appartienne aux personnes qui y travaillent et soit exploitée par celles-ci est signe d’un engagement envers la collectivité. Contrairement aux PDG et aux actionnaires, qui n’habitent pas forcément la ville, voire le pays où l’entreprise est établie, les membres d’une coopérative de travail ont tout intérêt à s’engager envers la collectivité, qui est à la fois leur lieu de vie, de travail et de loisir.

Jared Blustein, du restaurant The Allium, à Calgary, confirme que l’engagement envers la collectivité joue un rôle clé dans les activités de l’établissement. La coopérative collabore notamment avec des fermes et des fournisseurs locaux plutôt qu’avec les grandes entreprises dont dépendent beaucoup de restaurants classiques. Résultat : la clientèle sait d’où viennent les aliments qu’on lui sert, et les entreprises et les collectivités locales sont enrichies par cette source de produits.

Jared Blustein reconnaît que l’adhésion aux principes coopératifs a parfois un coût, par exemple le fait de payer plus cher pour ses fruits et légumes. Mais il est convaincu que pour s’engager envers la collectivité, il faut voir plus loin que l’argent.

« À l’inverse d’une entreprise capitaliste classique, comme un restaurant qui prendrait toutes ses décisions en fonction d’un impératif économique, nous faisons des choix qui vont au-delà des besoins financiers et fiscaux, explique-t-il. Nous voyons plus loin que l’impératif économique. »

Les coopératives de travail ont tendance à s’intéresser non seulement aux espaces qui les entourent, mais aussi au monde de demain. Comme l’indiquent les notes d’orientation relatives au septième principe : « Ce principe englobe la préoccupation du mouvement coopératif pour un développement économique, environnemental et social durable, qui profite aux communautés ainsi qu’aux propres membres d’une coopérative, et son engagement à travailler en ce sens. » Plusieurs coopératives de travail canadiennes sont axées sur la durabilité écologique. Yvonne Chiu, de la coopérative Multicultural Health Brokers (MCHB), à Edmonton, rappelle l’importance du développement social durable pour les coopératives de travail.

« La notion de développement communautaire durable est cruciale pour les coopératives, indique-t-elle. L’idée n’est pas seulement de réaliser le maximum de profits pour quelques personnes à un moment donné, mais bien de transcender l’époque et les intérêts du groupe impliqué, et ce, en faveur du bien commun. »

Ainsi, MCHB vient en aide à 30 communautés ethnoculturelles à Edmonton, mais Yvonne Chiu croit que cet engagement profite aussi à la société au sens large. Elle explique :

« Quand nos communautés se portent bien, elles peuvent partager leur richesse culturelle, leurs forces et leurs atouts. Quand les personnes les plus marginalisées sont pleinement mobilisées selon leurs forces, le bien-être économique et social augmente. »

Les principes coopératifs ont changé avec le temps et continueront certainement d’évoluer. Le 33e Congrès mondial des coopératives, prévu à Séoul plus tard cette année, portera sur l’identité coopérative, y compris les principes qui la définissent. Une chose est sûre : quelle que soit leur façon d’exprimer ces valeurs, les coopératives de travail continueront de s’engager envers la collectivité.

[1] Note du service de traduction : À l’époque de la rédaction des principes, le groupe était uniquement composé d’hommes (source : https://www.thenews.coop/39259/topic/history/where-are-all-women-looking-back-rochdale-pioneers/).